48 heures après sa terrible chute à l'entrainement, Carole Montillet a décidé de serrer les dents pour prendre part à la descente. 28e à plus de quatre secondes de Michaela Dorfmeister, l'Iséroise en a bavé. Elle rend donc sa couronne, non sans avoir donné une leçon de courage. Gros plan.
San Sicario, 9h30.
Carole Montillet chausse ses skis.
Pour la première fois depuis deux jours. Pour la première fois depuis la pire chute de sa carrière, qui l'a laissée avec un dos en compote et visage tuméfié.
Pour quelques heures encore, la skieuse de Villard-de-Lans est championne olympique en titre de descente. En un coup de remontée mécanique, elle se poste en haut de la pente.
Pour un dernier essai, à l'issue duquel elle doit décider, ou non, participer. Lionel Finance attend en contrebas. On le sent rassuré, détendu. Comme sa championne.
Les minutes passent. Puis Carole revient.
Le sourire aux lèvres. Elle est partante.
"C'est bon. Je crois que ça va aller ", lance-t-elle au directeur de l'équipe de France féminine.
Dire qu'elle se sent bien serait mentir. "
J'ai mal à peu près partout, mais il y a des jours où il faut être capable d'aller au-delà de ça. Je vais serrer les dents", promet l'Iséroise. Seuls son oeil gauche semble vraiment l'inquiéter.
Toujours enflé, il réduit sa visibilité.
"J'ai du mal à ouvrir les yeux. On va mettre un peu de glace", sourit-elle. Après un ultime test, cette fois en compagnie de Lionel Finance, elle confirme sa volonté de prendre le départ.
Finance: "C'est vraiment énorme"Dans le clan tricolore, tout le monde est bluffé. La veille, le médecin de l'équipe de France ne se montrait pas très optimiste.
Lionel finance non plus. D'où son admiration, matinée d'une pointe de crainte.
"C'est vraiment énorme. Il n'y a pas de mot. Elle a un courage incroyable. Je suis assez tendu je dois dire de la voir partir comme ça. Je ne sais pas ce que ça va donner. Mais le simple fait de la voir prendre le départ aujourd'hui, c'est déjà une forme de victoire", souligne-t-il.
Si la décision n'avait tenu qu'à lui, sans doute aurait-il opté pour la sagesse.
Quoi qu'il en soit, il avait choisi de laisser Carole décider en son âme et conscience: "
Elle attend tellement ça, depuis tellement longtemps, sans doute depuis quatre ans, que rien ne pourra l'arrêter. De toute façon, elle est assez grande pour savoir ce qu'elle doit faire. Elle veut courir ." Florence Masnada, notre consultante, partage cet avis. "Elle veut à tout prix être au départ et il faut respecter sa décision. Mais je crois que ça va être très difficile", estime l'ancienne médaillée olympique.
"Je ne voulais pas abandonner"Ce sera même plus que cela. Sur une piste éprouvante même pour une skieuse en parfaite santé, Carole va vivre un calvaire. D'autant qu'à la douleur s'ajoute une évidente réticence à se livre pleinement.
Pour ne rien lui épargner, le temps gris limite la visibilité, compliquant encore sa tâche. Le chrono, indifférent à son courage, est impitoyable: 28e place à quatre secondes et cinq dixièmes de Michaela Dorfmeister.
"Je suis hyper déçue mais je ne voulais pas abandonner, confie la Villardoise. Je suis venue ici pour courir. Ce matin, quand j'ai vu que je pouvais marcher, je me suis dit que je pouvais faire la course."Pas question donc de renoncer, même si elle n'avait aucune chance.
Ce n'était d'ailleurs sans doute pas très raisonnable, elle en convient volontiers. "
Ce n'était pas vraiment raisonnable, mais dans la vie il ne faut pas faire que des choses raisonnables , poursuit Montillet. J'ai une côte déplacée et cela me fait mal quand je respire. Mais cela fait dix mois que je me prépare pour les Jeux et je voulais faire cette descente."
Promis, elle sera au rendez-vous du Super G, dimanche. Avec la même détermination. Et en meilleur état. .
"Avec du repos, je pense que l'hématome que j'ai dans le dos va se résorber et j'espère que cela devrait aller", conclut-elle.